CRAW2013 : évaluation, logiciel libre et accessibilité des vidéos

Voici la dernière partie de mon compte-rendu de la Conférence Romande sur l’Accessibilité du Web 2013. On y parle de techniques d’évaluation, des bénéfices du logiciel libre pour les utilisateurs handicapés et pour finir de la mise en accessibilité collaborative de vidéos.

Démonstration de techniques d’évaluation

Retour de Jean-Pierre Villain pour une présentation bien plus opérationnelle : il nous présente des techniques d’évaluation simples et à la portée de tout un chacun. Les opérations sont tellement simples qu’il envoie sa fille Shanni, 15 ans, les effectuer devant l’assemblée.

Je ne vais pas détailler toutes les manipulations à effectuer mais les pré-requis de base sont assez légers : il suffit d’avoir installé la Web Developer Toolbar (lien externe) (disponible pour Firefox et Chrome).

Shanni nous montre ainsi en direct comment vérifier la présence d’alternatives sur les images, des liens images sans alt ou la présence de titre sur une iframe. Elle montre aussi comment vérifier la présence et la hiérarchie des titres de la page, la présence et la pertinence de l’utilisation de listes ainsi que la présence d’étiquettes dans les formulaires.
Même si les profanes auront peut-être eu du mal à suivre du fait du volume conséquent d’informations, il n’en reste pas moins que tout le monde a pu constater le peu d’effort à fournir pour vérifier tous ces éléments.

Suite à cette petit démonstration, Jean-Pierre reprend la parole pour revenir sur certains points.
Le principal concerne la désactivation systématique des CSS pour chacune des opérations effectuées. L’avantage est qu’on a ainsi directement accès au contenu, sans fioritures visuelles. On a du coup aussi la vision de la structure réelle du contenu, dans l’ordre du code source, ainsi que la visibilité des contenus cachés en CSS.

Même si l’ensemble des tests de vérification de l’accessibilité ne sont pas couverts, ces quelques tests permettent de détecter une grosse partie des erreurs récurrentes et généralement facilement corrigeables.

Le logiciel libre comme outil d’accessibilité à l’information pour les personnes déficientes visuelles

De l’évaluation on passe au monde du libre avec Jean-Philippe Mengual d’Accelibreinfo (lien externe).

Crédit : Telono (lien externe)

Jean-Philippe est aveugle et nous raconte son histoire. Comme toute personne touchée par un handicap, l’outil informatique lui est accessible à condition de disposer du matériel nécessaire. Dans son cas il utilise une plage braille et une synthèse vocale.

Mais dès lors qu’on souhaite souhaite acquérir ce matériel, l’investissement est conséquent. Il donne alors l’exemple du principal logiciel de synthèse vocale : JAWS (lien externe). Le prix du logiciel est facilement rédhibitoire pour un particulier. Des aides existent pour financer ce type d’outils, mais Jean-Philippe explique qu’entre la demande d’aide et le moment où le financement est accordé, de nombreux mois peuvent passer. Alors que dans la vraie vie, on voudra avoir ce matériel au plus vite.

Ajouté au paramètre prix, il explique qu’en tant que passionné d’informatique, il aime bien paramétrer et personnaliser son environnement comme bon lui semble. Problème, la licence de JAWS ne le permet pas…

Au moment de s’équiper, entre le coût important et l’absence de possibilités d’adaptation de l’outil, Jean-Philippe s’est alors tourné vers le monde du libre avec Linux.
Il explique et démontre que même si le monde du libre est réputé comme un environnement de geek, il est tout à fait à la portée de tout un chacun. Les différentes solutions sous Linux proposent des environnements graphiques identiques à ce qui se fait sous Windows (même si le look paraît daté). Et surtout, des solutions rendant l’environnement accessible sont pré-intégrées et gratuites ! Il parle notamment du lecteur d’écran Orca (lien externe).

Il précise aussi qu’un ordinateur utilisant Linux peut sans problème être connecté à un réseau d’entreprise qui se trouve sur un autre système (comme Windows au hasard 😛). Donc même les entreprises peuvent très facilement s’équiper de postes accessibles à moindre coût !

Bref, il n’y a aucune restriction à utiliser les outils proposés par le monde du libre pour les personnes handicapées. Au contraire, les avantages sont nombreux : le coût est moindre (il faut dans tous les cas acheter le matériel physique : ordinateur, plage braille…), les outils sont personnalisables et la communauté active permet de faire évoluer l’ensemble des outils.

Annotation collaborative pour l’accessibilité des vidéos sur le web

Pour la dernière présentation de la journée, Benoît Encelle présente le projet ACAV.

En introduction, Benoît explique que de plus en plus de contenus sont mis en ligne sous format vidéo. Sur Youtube, l’équivalent de 72 heures de vidéo sont mises en ligne toutes les minutes. Malheureusement, la majorité de ces contenus ne sont pas accessibles.

Le projet ACAV consiste donc à trouver des solutions permettant une mise en accessibilité collaborative des vidéos publiées. Il a été mis en place avec l’aide de plusieurs partenaires, notamment Dailymotion (lien externe) et l’Association Valentin Haüy (lien externe).

Il présente les cibles principalement concernées et les solutions à mettre en place pour leur rendre accessibles les vidéos :

  • Les mal et non-voyants ont besoin d’audiodescriptions.
  • Les mal et non-entendants ont besoin de sous-titres, de langue des signes.

L’enjeu du projet est de répondre à ces besoins, tant en termes quantitatifs que qualitatifs. Dans l’objectif de rendre accessible un maximum de vidéos avec de la meilleure qualité possible.

Pour y arriver, un workflow en plusieurs étapes a été imaginé :

  1. Les vidéos sont automatiquement annotées avec un outil de Speech-To-Text. Une reconnaissance automatique des paroles et des mouvements permet de créer la base des sous-titres et audiodescriptions.
  2. Organisés sous forme de réseau social, des annotateurs ajustent les contenus produits automatiquement.

Les annotations créées peuvent ainsi prendre la forme de sous-titre, télétexte, avatar LSF, synthèse vocale, icônes sonores, braille…

Au delà de la génération des vidéos accessibles, la question de la présentation des informations s’est aussi posée. Plusieurs tests ont ainsi été effectués pour répondre à ces questions.

L’une de ces questions concerne les icônes sonores. Une icône sonore est un son permettant de transmettre une idée, comme une icône graphique le permet. L’exemple donné est le bruit de papier froissé lorsqu’on vide la corbeille sous Windows.
Ces icônes peuvent servir pour des éléments récurrents comme un changement de décor. En effet Benoît, qui parle aussi d’earcons, précise que pour que l’icône fonctionne, elle doit être apprise et la récurrence de l’information permet cela.

Autre question abordée, la mise en pause de la vidéo pour ajouter plus d’informations sonores. Après l’avoir expérimenté, il s’avère que la mise en pause de la vidéo ne perturbe pas les utilisateurs si elle est inférieure à 1,5 blanc filmique.

Benoît termine sa présentation avec un aperçu de l’outil d’annotation sur le site Dailymotion. Malheureusement, puisqu’il ne s’agit que d’un projet expérimental, il n’est utilisable qu’avec Chrome.

Voilà pour les dernières présentations de cette journée très riche !