Merveilleuse dématérialisation

Au commencement

Si vous ne le savez pas encore, je suis ce qu’on peut appeler un hardcore gamer. Mes parents étaient plutôt contre les jeux vidéo et je ne m’y suis mis qu’à partir du moment où j’ai eu assez d’argent de poche pour m’acheter moi-même mes consoles et jeux. Mais à partir du moment où je suis rentré là dedans, je n’en suis plus ressorti.

Bref, ce petit paragraphe d’introduction pour dire que j’achète pas mal de jeux (ça doit représenter mon premier poste de dépenses culturelles, en valeur en tout cas). Ceux qui s’intéressent un minimum au sujet savent que l’une des grandes nouveautés sur la dernière génération de consoles a été le développement du marché dématérialisé. À savoir qu’aujourd’hui, on trouve désormais la majorité des jeux du commerce en téléchargement à la demande.

Pendant longtemps, les contenus dématérialisés que j’achetais se limitaient essentiellement aux jeux du Xbox Live Arcade (sur Xbox 360).
Note : Pour ceux qui ne connaissent pas ce service, il s’agit généralement de « petits » jeux, dont les budgets sont bien moindres que les productions vendues dans le commerce, mais dont la qualité n’a parfois rien à envier aux grosses pointures. Il faut aussi savoir que ces jeux sont disponibles uniquement en téléchargement.
C’est donc plus par défaut que par choix que j’achetais ces contenus dématérialisés. Mais j’ai toujours été satisfait du service.

Aujourd’hui, le modèle s’est largement répandu si bien qu’on peut acheter aussi les jeux vendus dans le commerce. Et il s’est aussi répandu au monde du PC avec le désormais célèbre service Steam.
Note : Toujours pour ceux qui ne connaissent pas, Steam s’est créé avec le temps un solide nom dans le domaine de la vente dématérialisée, en particulier grâce à ses énormes réductions sur le prix des jeux. Le service propose en effet en permanence de grosses réductions sur une sélection de jeux mise à jour régulièrement.

J’en reviens donc petit à petit à mon histoire…
Avec le succès des offres de Steam, les constructeurs de console ont fini par proposer des réductions intéressantes. On est encore loin de Steam, mais on a désormais droit à de belles réductions. En l’occurrence, j’ai ainsi acheté début juillet mon premier jeu à la demande : Assassin’s Creed 3, bénéficiant alors d’une belle réduction de 75%.

Les ennuis commencent

J’achète donc mon jeu, le téléchargement commence, tout va bien.
Un peu plus tard, je vois que je n’ai plus de téléchargement dans la file d’attente, je vais donc vérifier que mon jeu est correctement installé. Problème, il ne s’affiche pas dans ma liste de jeux. Je vais voir s’il est bien présent dans les fichiers du disque dur de ma console. Il l’est mais il est « endommagé ».

À ce moment là je ne m’inquiète pas encore. Le jeu pèse quand même 7 Go et il y a très bien pu avoir un problème lors du téléchargement. Je le télécharge donc à nouveau.
Lorsque je regarde plus tard et que le téléchargement semble fini, je vérifie : toujours pas dans ma liste de jeux. Le fichier est encore endommagé.

Je persiste, on ne sait jamais. Mais après plusieurs tentatives de téléchargement, je dois me rendre à l’évidence, il y a un vrai problème.

Je fais donc un nouvel essai en suivant cette fois consciencieusement le déroulement du téléchargement. Tout se déroule bien jusqu’à 79% de progression. Quelques minutes après avoir passé ce palier, le téléchargement s’arrête soudainement et j’obtiens un message « Échec du téléchargement ».
Pour être sûr, je tente à nouveau l’expérience plus tard et j’obtiens exactement le même résultat : le téléchargement progresse jusqu’à 79%, quelques minutes après il s’arrête et le message d’erreur apparaît.

À la recherche de l’origine du problème

Comme je vois qu’il y a clairement un souci, mon premier réflexe est de chercher sur Internet si d’autres personnes ont déjà rencontré ce problème avec ce jeu spécifiquement. J’ai en effet téléchargé d’autres jeux et contenus durant l’été sans jamais avoir de problème. Celui que je rencontre ici a de grandes chances d’être lié au jeu lui-même.

Malgré quelques heures de recherches, je ne trouve pas d’autre cas identique au mien. Je décide donc de passer à l’étape suivante : le support de Microsoft (puisque j’ai téléchargé le jeu sur Xbox 360).
Je m’en vais donc sur le forum du support Microsoft (en anglais) (lien externe). Je fais quelques recherches et lis quelques messages de clients dans des cas similaires au mien. Progressivement, je vois une explication qui peut s’appliquer à mon cas : il est probable que le jeu comporte un blocage régional.
Traduction : si on est en France, on peut télécharger uniquement le jeu du MarketPlace (ndla : Nom de la boutique en ligne sur Xbox 360) français.
En ce qui me concerne j’ai un compte français, la région de mon compte est donc la France. Mais comme je vis désormais en Suisse, ma « région d’habitation » est la Suisse.

Armé de ces informations et de cette première analyse, je finis donc par poster un message pour décrire mon cas (en anglais) (lien externe) sur le forum.
Le premier retour d’un membre semble abonder dans le sens de mon analyse : le jeu comporte un blocage géographique qui expliquerait l’échec de mon téléchargement.

Une solution… ou pas

Pour pouvoir télécharger mon jeu, la seule solution est de télécharger le jeu en France. Donc de prendre ma console (ou au moins un support de stockage compatible), d’aller faire un tour en France pour télécharger mon jeu et revenir en Suisse. Mais…

Mais même en faisant ça, il n’est pas garanti que je puisse y jouer une fois Suisse. Toujours à cause du blocage géographique, il est même fort probable que je ne puisse même pas lancer le jeu… En revanche, le blocage géographique ne les a pas empêché de me prélever…

Toujours sur le forum (en anglais) (lien externe), on me conseille, pour éviter tout problème éventuel futur, de changer la région de mon compte pour qu’elle corresponde à ma région d’habitation. Ah bon, on peut faire ça ?

Changement de région et blocage géographique

Changer de région, c’est quelque chose que j’ai déjà essayé il y a quelques années. C’était impossible !
Lorsque ma femme (une Suissesse) a emménagé sur Paris avec moi en 2009, nous avons été confronté à ce problème de région.
C’est une gameuse aussi, elle avait sa console et son compte suisse aussi. Et un jour qu’elle essayait de télécharger un contenu, elle est tombée sur un message lui expliquant qu’elle ne pouvait pas car elle n’était pas dans la bonne région.

Elle avait alors contacté le support pour résoudre le problème. La réponse était claire : impossible de changer la région de son compte. Super sympa pour les gens qui déménagent à l’international…

Retour en 2013, j’apprends donc qu’on peut désormais changer la région de son compte !
J’enquête rapidement et il ne me faut pas longtemps pour découvrir que c’est en fait très récent, ça date du début de cette année seulement… (lien externe).
Ça ne règle pas mon problème de téléchargement mais j’y reviendrai plus tard.

Dématérialisation = dépossession

Donc c’est cool, on peut désormais changer la région de son compte ! Il y a du progrès, mais…
Une fois sur la page pour changer la région de son compte (lien externe), un message d’avertissement présente quelques limitations :

Lorsque vous changez la région de votre compte Xbox LIVE, certains éléments ne sont pas affectés, par exemple votre profil. D’autres peuvent subir des modifications, par exemple :

  • les abonnements ;
  • les contenus numériques sous licence (tels que les jeux, les vidéos et la musique) déjà achetés ;
  • les services accessibles sur la console Xbox.
  • Fonds de votre compte Microsoft

Que les abonnements et services ne soient pas compatibles, je peux comprendre. En fonction des pays, les partenaires ne sont pas les mêmes et certains services peuvent ne pas exister. C’est donc assez logique qu’on ne puisse plus y accéder suivant dans quel pays on se rend.
Pour les fonds, c’est davantage lié à une récente mise à jour (lien externe) sur laquelle ça ne sert à rien de s’appesantir dans le cas présent.

Par contre en ce qui concerne les « contenus numériques sous licences » la pratique est déjà beaucoup plus discutable.
En gros, ce qu’ils disent ici c’est que les jeux qui comportent un quelconque blocage régional ne seront plus utilisables si on déménage dans une région « non autorisée ».
Donc si je reviens à mon jeu que je ne peux pas télécharger, j’aurai beau aller le télécharger en France, je ne pourrais de toute façon pas y jouer en Suisse.

On touche là une des limites perverses de la dématérialisation des contenus. Parce que cette forme de distribution permet un contrôle plus simple par les éditeurs, ils se permettent d’en profiter grassement en nous interdisant tout simplement l’utilisation d’un contenu qu’on a acheté.

Si j’achetais mon jeu en France dans un format physique, je pourrais y jouer sans problème sur ma console en Suisse. J’estime d’ailleurs que c’est complètement normal : j’ai payé le droit de l’utiliser. À partir du moment où j’ai payé, il m’appartient, de droit, d’en faire l’usage que je souhaite.
Si je déménage à l’étranger, c’est normal et logique que je puisse conserver les biens que j’ai acquis de plein droit et que j’en conserve l’usage entier.
Même si mon jeu est dématérialisé, j’ai payé de la même manière le droit de l’utiliser. Je devrais donc avoir le même droit de « l’emporter » avec moi à l’étranger de pouvoir en profiter. Je l’ai acheté, il m’appartient. Microsoft n’a pas à m’empêcher d’en profiter à partir du moment où je l’ai payé.

Et le plus drôle dans le cas présent, c’est qu’au format physique il n’y a pas de versions suisses des jeux. On achète ici les versions françaises, allemandes ou italiennes.
Le fait de ne pas pouvoir profiter de mon jeu acheté avec mon compte français est donc d’autant plus ironique.

Conclusion… ou pas

Cette petite histoire est surtout l’occasion d’aborder le sujet de la dématérialisation mais si le dénouement de mon affaire vous intéresse, je suis donc apparemment bloqué entre mes 2 régions. L’affaire suit son cours avec le support. Je suis passé au niveau supérieur avec le support téléphonique qui est censé revenir vers moi lundi. Bref, je ne suis pas encore sorti d’affaire.